Mots motivés ou immotivés ?
Le signe verbal conscient des linguistes, défini par la dualité signifié/signifiant exclut l'objet désigné, le référent qui n'aurait aucun lien ni avec le signifiant, ni avec le signifié. Le mot ne dépendrait que d'une convention tacite des loctueurs d'un groupe social. C'est ce qui est encore enseigné en 2019 dans les cours de Linguistique de nos Facultés de Lettres.
.....................................Signifié ....................................Signifiant
Ces linguistes intellectuels, enfermés dans leurs tours d'ivoire, ne s'intéressent pas au rapport du signe à la réalité qu'il reflète ou à l'individu qui en est à l'origine, mais au rapport du signe à un autre signe à l'intérieur du système cérébral de la langue qu'ils imaginent clos (une fois qu'il a été adopté et admis). Comme l'énonce Martinet (1993) : « En termes simples, l’arbitraire du signe implique que la forme du mot n’a aucun rapport naturel avec son sens : pour désigner un arbre (i.e. le référent), peu importe qu’on prononce arbre, tree, Baum ou derevo.» Le corollaire de ce postulat, une hypothèse élevée au rang de dogme fondateur, est que la langue est une abstraction, sans aucun fondement naturel, aucun lien physique avec le référent.
Mais cette scission entre le monde linguistique conscient où règne la dualité signifiant/signifié coupée du référent respecte-t-elle la physiologie neuro-sensorielle humaine ? N'est-il pas évident que cette vision de la linguistique excluant le référent, et donc l'ensemble des processus neurosensoriels physiologi-ques qui permettent au cerveau humain d'avoir une représen-tation de ce référent, peut être jugée très réductrice? Le langage humain est-il vraiment un objet abstrait vierge de toute influence et de toute trace de la perception multisensorielle des référents ? Lacan pourtant affirme que le signifiant préexiste au signifié et le contenu de ce site démontrera que le langage conscient n'est que la partie émergée de la langue, dont la base inconsciente est l'immense bloc immergé dans des eaux jusqu'alors sombres et profondes.
Pourquoi la linguistique saussurienne est fondée sur un signe conventionnel et s'est construite sur l'exclusion du référent ? Devant l’image de l’arbre, nommée référent par les linguistes, on associe, en fonction de sa langue, le signifiant sonore arbre en français, Baum en allemand ou tree en anglais. A priori donc, devant un référent donné, l'homme userait de signifiants différents, jugés arbitraires comme ces trois langues semblent le vérifier avec 3 signifiants sans aucun motif signifiant commun ni phonémique ni littéral.
Ainsi devant un objet x, le référent arbre par exemple, chaque langue userait pour le désigner d’une suite de sons, d’un signifiant propre, par pure convention sans aucune motivation pour les linguistes. Le référent désigné n'aurait aucun lien ni avec les sons du signifiant ni avec le concept qu'est le signifié.
Signifiants différents............arbre/Baum/tree
Convient-il d'opposer un homme primitif créateur de la langue (ou des langues en laissant de côté le problème de l'unicité de la langue originelle) et ses descendants de plus en plus civilisés, mais tout au plus capables de transformer l'idiome de leurs ancêtres, de l'améliorer (évolution, dérivation, composition, passage de la racine au mot, élaboration des parties du discours, etc.) ? Ou doit-on considérer la création du langage (et de ses racines) comme un phénomène continu dont on pourrait observer des manifestations récentes ? Problème d'anthropologie historique autant que de linguistique: y a-t-il ou non deux espèces d'hommes, le sauvage (proche de la nature, à la mentalité primitive, etc.) et le civilisé (société différenciée, pensée abstraite)? Autrement dit, si le signe originel est motivé, y aurait-il dans les langues, à côté des phénomènes bien connus d'évolution et de dérivation, une recréation incessante de signes originels, une pénétration continuelle de la motivation ?
Les langues diffèrent, cela est évident. L'un des aspects par lesquelles elles diffèrent se révèle dans le choix des sons et dans l'association, semble-t-il arbitraire, du son et de la signification. Mais admettre comme une évidence l'arbitraire des mots parce que d'une langue à l'autre les mots sont différents pour désigner un référent identique ou semblable est aller vite en besogne. Deux questions doivent au préalable être résolues:
1. Ces signifiants différents chargés de représenter le référent "arbre" (par exemple) sont-ils vraiment reliés à des concepts, des signifiés identiques pour un français, un anglais ou un allemand ? En bref, le signifié est-il invariable d'une langue à l'autre ? La sagesse de Montaigne affirmait déjà que "vérité au-delà des Pyrénées, erreur en deça" ou comme le dicton l'affirme : "chacun voit midi à sa porte". Le concept d'arbre (le signifié) est-il vraiment constant d'une culture à une autre, d'un pays à l'autre ? Et par quel canal sensoriel perçoit-on le référent ?
2. La seconde interrogation est de comprendre la nature, l'essence du mot. La fonction d'un mot est de désigner le référent et l'enfant, qui pointe du doigt l'objet qu'il nomme, l'illustre parfaitement. Saussure invente une théorie dans laquelle le mot serait chargé de représenter ou de définir le référent qu'il écarte du monde linguistique. Comment peut-on imaginer qu'on puisse définir un arbre avec quelques phonémes. Il suffit d'ouvrir un dictionnaire pour constater que la définition d'un arbre renvoie à un végétal ligneux qui possède un tronc avec racines et branches, u feuillage caduque ou persistant... bref à une forêt d'autres mots qui en précisent les caractéristiques. Donc les signifiants "arbre", "tree", "Baum" sont incapables de définir le référent "arbre" ? Le mot ne se contenterait-il pas de donner une ou deux caratériques du référent ?
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