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Signe linguistique : variabilité du signifié

Variabilité ou invariabilité du signifié ?

 

Saussure avance que si une motivation des mots existait, ils seraient semblables d'une langue à l'autre ce que démentent les mots arbre, tree et BaumSaussure, fondateur de la linguistique, semble n'avoir rien compris à la nomination, à l'opération mentale consistant à créer un mot. Comme  arbre, tree, Baum désignent le même référent, il conclut à l'arbitraire du signe ! Il faut raisonner autrement. Comment peut-on imaginer qu'avec trois lettres différentes (tree), quatre (Baum) ou même cinq (arbre) l'homme serait capable de représenter toutes les caractéristiques de cet objet référent ? Le Professeur aurait eu besoin de revenir sur terre car un arbre est un végétal ligneux, de taille variable, dont le tronc se garnit de branches à partir d'une certaine hauteur, qui se couvrent de feuilles persistantes ou caduques dont les pigments de chlorophylle captent l'énergie solaire, dont les racines puisent ses nutriments dans la profondeur de la terre, etc, etc. Impossible de définir en cinq  lettres toutes les caractéristiques de ce référent. Le mot arbre cache une forêt immense de données : formes, couleurs, fonctions, symboles.

 

L’invariabilité du signifié d’une langue à l’autre n’est-elle pas discutable ? Le signifié désigne le concept, la représentation mentale d'un objet référent.  Comme expliqué dans le chapitre précédent on ne voit pas comment avec si peu de phonémes on pourrait désigner toutes les caractéristiques d'un reférent tel que l'arbre donné en exemple. Chaque peuple possède sa culture. Les locuteurs de langue allemande ont donné de nombreux grands musiciens classiques et leur langue semble privilégier le canal auditif. Pour capter un référent nous possédons plusieurs organes sensensoriels. Par exemple Baum en allemand, proche de boom en néerlandais semble bien désigner l'arbre par le bruit résonant de sa grume heurtant le sol. Et le tree anglais ressembe fort au mot tremble français caractérisé par le tremblemment fin de ses feuilles au moindre souffle.

L'arbitraire des mots ne serait-il pas qu'une illusion qui a aboutit à une mystification collectives ? 

 

 

 

 

À l'impossible nul n'est tenu, aussi notre créateur de mots se contente d'une ou deux caractéristiques du référent pour lui donner un nom. La vision intervient en premier dans l'acte de nomination d'un référent. Le français use de deux cdons (unités linguistiques inconscientes) pour faire pousser son signifiant arbre : br et ar. L'unité br évoque soit le schéme de ligne brisée soit le risque de brisure alors que l'unité ar désigne soit le schème de sommet prééminent, soit la menace qui arrête ou fait fuir. Ainsi pour l'inconscent linguistique français l'arbre renvoie soit à un référent caractérisé par des lignes brisées (le dessin des branches) avec un sommet prééminent (la cîme), soit à un référent qui menace de se briser. Dans la ''tête'' d'un français le concept d'arbre correspond à l'image d'un grand chêne en hiver qui risque de se briser comme l'évoque la Fable du Chêne et du Roseau de La Fontaine. 

L'importance de ce sommet prééminent dont l'empreinte linguistique ar marque tous les sommets hiérarchiques du pharaon à l'énarque en passant par César n'est pas démentie par Tchekhov pour qui « les forêts donnent à l'homme un sentiment de grandeur ».

L'anglais, lui, branche deux codons, ee et tr pour faire croître son ''tree''. Le codon ée évoque soit l'écoulement d'élément (air), soit la multitude et le codon tr marque soit le passage soit la déviation de la ligne droite, un tremblement parfois source de peur. Ainsi les concepts cachés derrière le signifiant tree renvoient soit à l'écoulement de l'air (le vent) qui fait trembler (les feuilles), soit à une multitude de lignes déviant de la ligne droite (les branches et les racines). Pour un anglais le nom générique tree correspond au signifiant français tremble, un arbre qui peut plier (peuplier tree tree sous vent !) dont les feuilles sont toujours en mouvement d'où son nom vernaculaire. Le nom scientifique d'origine latine, populus tremula, relève ce caractère trémulant, repris en corse : tremulu. Le vent étant fréquent sur les îles britanniques il n'est pas étonnant que ce soit son effet sur les feuilles des arbres qui ait été retenu comme caractéristique pertinente pour les désigner. 

Pour le signifiant allemand Baum ce ne sont plus les caractéristiques visuelles du référent qui servent à le nommer mais ses stimuli sonores. Phonétiquement ce signifiant rappelle un boum retentissant, une onomatopée mimophone d'un bruit soudain et grave produit par une explosion, un choc, une chute... telle celle d'un arbre dont les conséquences peuvent être douloureuses (/au/ allemand = aïe). Dans le signifiant Baumum-am-B il est aussi question  avec ''um'' de transformation subtile et volatile (qui se répand) de l'âme du Verbe ! En français l'équivalent orthographique est Baume dont l'un des sens est caverne, grotte (la Sainte Baume, Baumes les Dames...) là où la voix des hommes primitifs se propageait par l'écho. Ainsi dans l'inconscient allemand un arbre c'est à la fois le bruit résonnant de sa chute sur le sol, un bruit perçu dès l'aube de l'humanité et sans doute aussi la musique du chant des oiseaux, dont la mélodie vient animer le silence des forêts obscures.

Il serait caricatural de penser que les peuples de langue allemande ne sont sensibles qu'au boum boum d'une grosse caisse ou d'un Tannenbaum qui chute car leurs musiciens classiques ont enchanté le monde : Richard Wagner, Felix Mendelssohn, Robert Schumann, Wolfgang Amadeus Mozart, Franz Schubert, Joseph Haydn, Ludwig von Beethoven. Les célèbres légendes germaniques, à l’instar des Nibelungen, narrant les exploits de Siegfried, ne tirent-elles pas leur force et leur mystère dans d’impénétrables forêts où puisent les racines de la culture musicale allemande. Pour Freud psychanalyser nécessite de faire marche arrière vers une Grundsprache, une langue des origines, des profondeurs, en rapport avec les bruits de la nature, tant le grondement du tonnerre que le chant des oiseaux. L'homme a tenté d'imiter ces bruits naturels avec sa voix en créant des onomatopées. C'est par l'écoute des murmures du vent dans les ramures et des sifflements de la gent ailée, toute une symphonie et une harmonie que nous offre Dame Nature que l'on peut pénétrer son âme et percevoir son Verbe, une sorte de Langue des Oiseaux. 

En français le mot Bois fait écho au Baum; il évoque l'aise (ois) ancienne du Verbe, celle qui sert de décors à de nombreux contes enfantins : Le Petit Poucet, le Petit Chaperon rouge, Blanche Neige et les sept nains et bien sûr La Belle au Bois Dormant. La forêt, symbole de ténèbres, de labyrinthes inextricables où il faut s'attendre à découvrir des créatures étranges et inquiétantes, symbolise les profondeurs de l'inconscient, à l'intérieur duquel il faut fouiller pour résoudre l'énigme. Elle représente tous les dangers que doivent affronter les jeunes gens au cours de leur initiation. Le Bois aux contours bien délimités, au nombre d'arbres limités est un lieu de recueillement et de rencontres intimes avec les forces de la Nature. ''Le silence, tombé si brusquement des branches, à travers l'immense ramage des oiseaux, me paraissait étrange. Parfois un pépiement vite étouffé, un frémissement d'ailes, en décelaient la vraie nature et la fragilité. J'avançais, ravi, dans le bois. (Bosco, Le Mas Théotime,1945, p. 247). Au fond du bois, privé d'horizon, l'homme tend l'oreille à l'affût du moindre bruit. La littérature latine déborde d'allusions aux arbres sacrés, des végétaux sanctifiés dans lesquels les dieux exprimaient leur volonté. La matière du bois a conservé une magie ancestrale : toucher du bois reste une expression superstitieuse où l'on joint le Geste à la Parole pour conjurer le mauvais Sort.

EN cours de réécriture

Il existe d'ailleurs des exceptions à cette observation qui conduisent Saussure à distinguer signification et valeur : le bois (la forêt) et le bois (la matière ligneuse) portent le même nom par métonymie en français, mais n'ont pas la même valeur, puisque l'anglais pour sa part distingue wood, la forêt de timber la matière bois. Cette notion de valeur est, à l'inverse, un premier indice de la variabilité symbolique interlinguale des signifiés.

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wood/timber

La notion de valeur ne fait que souligner l'importance de la métonymie et devrait suggérer qu'i suffit d'un seul critère pour désigner un référent. 

La variabilité du signifié arbre dans l’inconscient collectif de pays européens voisins semble confirmer l'arbitraire des mots; en effet les signifiants français, allemand et anglais arbre/Baum/tree, qui n'ont aucun point commun phonétique ou littéral; ils semblent  des témoins fiables de la convention du signe verbal. Chaque langue attribuerait à un référent donné une suite de sons ou une chaîne de lettres par pure convention et sans aucun lien avec la nature de l'objet référent. 

le référent (image de l'arbre)

 

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La question à se poser est de savoir à quoi exactement renvoie le signifiant. Si bois par métonymie désigne la matière et un ensemble d'arbres constitués de cette matière, cette substitution par proximité d'une partie pour le tout conduit à penser qu'une seule caractéristique suffit pour désigner un référent. Mais cette connaissance d'un élément peut être issue de la percepton de différents organes des sens. La matière bois est autant perçue par le tact (toucher du bois) qiue par la vision.

Ainsi les caractéristiques du référent arbre peuvent être perçues par différents canaux sensoriels.

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Pour contrôler l'environnement le premier organe des sens en action est l'oeil (l'information se déplace à la vitesse de la lumière), ensuite l'oreille (le bruit du vent dans le feuillage, le chant des oiseaux dans les branches), puis le nez (surtout si l'arbre est en fleurs), puis la peau  (par exemple en posant sa main sur l'écorce de son tronc rugueux ou lisse...) et enfin la langue (associée au nez) pour goûter ses fruits (et il y a longtemps qu'Eve a croqué la pomme et que depuis l'humanité en déguste les conséquences coupables!).

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Il faut surtout bien avoir à l'esprit que l'enfant nomme un animal par une onomatopée acoustique imitant son cri : un miaou, une meuh meuh, un coin coin, un wouwou,  Le nom du coq gaulois reprend le début de l'onomatopée française ''cocorico''. Ainsi une seule caractéristique du référent suffit à le nommer. Drôle de conception que dimaginer qu'un mot de 2 ou 3 syllabes permettrait de définir tous les aspects d'un objet référent.

Percevoir, c'est percer du regard, voir à travers, un mot qui suggère que la perception atteint d'emblée la réalité en traversant le flou de l'apparence. Dans l'attitude naturelle, l'objet, référent linguistique, est la réalité, quelque chose qui existe en soi indépendamment de moi et m'envoie un certain type de sensation. Il appartient au sens commun de croire que les qualités sensibles appartiennent aux choses, mais nos sensations sont subjectives et non objectives pour la science. C'est le sujet percevant qui structure la perception. Un panier très lourd pour un enfant peut être perçu comme léger par un haltérophile ! L'inconvénient de la subjectivité est qu'elle installe la connaissance dans un relativisme total. C'est ce que soutenaient les sophistes de l'antiquité qui dénonçaient une vérité qui n'était rien d'autre que la sensation éprouvée par un sujet. Si cette sensation varie d'un individu à l'autre, il est impossible d'affirmer ce qui est constant, vrai et universel. La science qui se fonde sur l'universel devient impossible. Tout est singulier, tout est subjectif au sein de la sensation. C'est probablement une des raisons pour laquelle Saussure a évacué les perceptions sensorielles de la linguistique en se coupant du référent. Mais faut-il scier l'anse du panier de la Connaissance entre le cerveau et le monde extérieur? Scientifique cette séparation ? Pourtant à l'aube de la science moderne, dés Galilée, on a estimé qu'il fallait distinguer nécessairement  les qualités  premières de la chose et les qualités secondaires liées à un expérimentateur humain. Par exemple froid/chaud, lourd/ léger, vert/rouge peuvent être classées dans les qualités secondes subjectives, variables selon l'individu qui les éprouve, alors que la forme, le volume et le  mouvement étaient classées dans les qualités premières mesurables.  

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Le froid du petit matin, l'odeur du café dans la cuisine, la surprise des premiers rayons du soleil levant, la chaleur enivrante d'un verre de bon vin, mais aussi le silence de la nuit, le calme du dimanche matin, la paix qui règne dans la maison endormie, la vie n'est-ce pas cela et rien d'autre pour chacun de nous.

Or dans l'approche objective de la science, seul ce qui est mesurable peut être qualifié de réel. Mais ce qu'au XVIIIème était non mesurable l'est devenu au XXIème siècle où l'on mesure la température bien en dessous du millième de degré et où l'on peut analyser les molécules olfactives. Le monde de la réalité objective évolue avec celle de la technologie de nos appareils de mesure. 

Mesurer ce qui est mesurable et laisser sciemment de côté ce qui ne l'est pas est l'attitude d'une science aveugle, manipulatrice et despotique !  Un peu d'humilité et de Bon Sens ! Faut-il suivre la science et faire du culte de l'objectivité le fond commun de notre représentation du monde ? Faut-il systématiquement jeter le discrédit sur la subjectivité de notre vision du monde. La pensée occidentale aboutit aux équations "objectivité=raison" et "subjectivité=irrationnel", voire déraison ! Conclusions paradoxales car toutes les découvertes scientifiques sont le résultat d'individus uniques, qualifiés parfois de génies, alors qu'ils ont tous été guidés par des intuitions, justement des éclairs de génie ! Qu'est-ce que cet objet, cette chose en soi qui existerait en dehors de nous, en dehors d'un sujet percevant ? Il faut bien qu'il y ait une expérience ou un consensus d'expérience pour parler de l'existence d'une chose (esse est percipi, être c'est être perçu). Il n'y a pas de différence fondamentale entre la forme spatiale objective d'un canapé et le fait que je le sens bien réel avec ce ressort qui me tale les fesses ! La seule différence c'est que l'objectivité scientifique suppose un consensus d'expériences dans la reconnaissance d'un fait valide pour plusieurs observateurs. L'objectivité scientifique est en fait une intersubjectivité. Une intersubjectivité qui sous-entend une communication entre les sujets qui se réalise par le langage, que l'on peut enregistrer, analyser, qui possède une réalité phonétique et répond à des mécanismes complexes de production et de rétrocontrôle.

 

Au printemps 1888 Nietsche affirme que "la logique et les catégories de la raison qui constituent les formes  de la Connaissance scientifique ne sont que des moyens de rectifier le monde dans une visée utilitaire, donc, par principe, une falsification, dont l'utilité est purement biologique. En ce Sens , ces formes ne sont en rien des critères de Vérité, c'est-à-dire de Réalité! Ces formes sont autant de prises pour se rendre le monde maniable et calculable". Dans le Gai Savoir, Nietsche explique que la représentation scientifique est une vision simplifiée de la réalité et "qu'il est merveilleux que pour nos besoins (machines, ponts, etc) les suppositions de la mécanique suffisent; ce sont en effet des besoins très grossiers et les petites erreurs n'y entrent pas en ligne de compte. Le monde que la science nous découvre sous les apparences et nous présente comme le vrai, n'est qu'une construction, une fiction, une interprétation. René Daumal donne une définition de la science que certains ont pris pour une plaisanterie étymologique:" les Scients prétendent que leur Nom vient du latin scire, sciens, de même que le mot science et qu'il est synonyme de savants. En réalité, il s'apparente à scier, les scients s'occupant principalement à tout "scier, pulvériser et dissoudre". Le verbe scier remonte au latin secare, mais ce dernier, par une origine indo-européenne commune, s'apparernte à scire, qui signifia "trancher" avant de correspondre à "savoir". Est-ce par allusion à une décision mentale ou une division des difficultés, s'interroge Alain Rey ? La chose est obscure, reconnaît le linguiste lexicographe. Certes scire a donné naissance à sciens, scientis, qui sait, d'où scientia. Le sens de ce mot est très proche de celui qui vient du latin sapere, passé de l'idée de goût (le dérivé sapor a donné saveur et l'anglais savour) à celle de jugement sur les choses Pour Rey cette évolution suggère le passage de la sensation  à la connaisssance rationnelle et fait de l'épistémologie sans le savoir! Car à la science, connaissance du monde, correspond l'épistémologie, connaissance de la connaissance, qui aurait d'après lui du s'appeler plus clairement "métascience" (au placard, ajouterais-je ironiquement!). Scientia au Moyen Âge assume tout une gamme de savoirs, de l'absolu, garanti par la Science divine au relatif qui n'est plus que simple connaissance. La science pure serait-elle un leurre, conclut-il,

 

Mais si cette intersubjectivité, par la communauté de l'expérience consciente, permet l'objectivité scientifique, faut-il rejeter l'intersubjectivité de l'expérience inconsciente, en particulier celle de l'inconscient langagier collectif ? Pourtant, si Saussure n'a jamais mentionné les travaux de Freud, ni fait la moindre référence à l'inconscient (alors que son collègue professeur de sanscrit, Victor Henry écrivait que le langage est le produit de l'activité inconsciente d'un sujet conscient), la linguistique doit-elle ignorer le rôle de cet inconscient dans la formation et la production du langage ?

 

Les mots sont-ils vraiment des signes arbitraires et neutres? Benvéniste s'interroge: "poser la relation comme arbitraire est pour le linguiste une manière de se défendre contrer cette question et aussi contre la solution que le sujet parlant y apporte instinctivement". "Pour le sujet parlant, il y a entre la langue et la réalité adéquation complète: le signe recouvre la réalité; mieux, il est cette réalité, tabou de paroles, pouvoir magique du verbe, etc. A vrai dire, le point de vue du sujet et celui du linguiste sont si différents à cet égard que l'affirmation du linguiste quant à l'arbitraire des désignations ne réfute pas le sentiment contraire du sujet parlant"(Benvéniste, Problèmes de linguistique générale, 1971). Otto Jespersen fut un défenseur du symbolisme phonétique. Il écrit : « Y a-t-il réellement beaucoup plus de logique dans l’extrême opposé qui dénie au son quelque sorte de symbolisme que ce soit (mise à part la petite classe des échoïsmes manifestes et des onomatopées), et ne voit dans nos mots qu’une collection d’associations accidentelles et irrationnelles entre le son et le sens ? On ne peut pas nier qu’il existe des mots dont nous ressentons instinctivement l’adéquation à exprimer les idées qu’ils représentent. »

 

Le bruit d'un mot, le signifiant, émis par le sujet qui parle, en fait un stimulus vibratoire interne corporel, différent d'un bruit extérieur, même si le sujet est aussi à l'écoute de sa propre émission sonore. La boucle audio-phonologique, parole-oreille, joue un rôle considérable dans l'ajustement de l'émission vocale. Le son de la voix n'est pas étranger au sujet puisque c'est lui qui le contrôle. Mais est-ce un contrôle volontaire ou ne s'agit-il pas d'un conditionnement inconscient?

 

Homo sapiens sapiens est doué de mémoire, et cette faculté lui a permis de mémoriser les mots nécessaires à la formation d'un langage. Il avait donc le souvenir des rencontres qu'il avait faites avec son environnement, avec les objets/êtres vivants référents. La survie d'homo est améliorée par la prédiction des agressions et l'alerte d'évènements dangereux (rencontre d'un prédateur ou effets dangereux  de l'ingestion de certaines substances) et, comme le démontrera l'analyse de la Langue de l'inconscient, de nombreux mots sont marqués par des séquences signifiantes avertissant du risque de douleur, du danger, de la peur que le référent suscite ou de la crainte qu'il inspire. Et même pour les référents neutres en ressenti émotif, on se rendra compte que les signifiants associés servent à désigner par exemple la manière dont on les manipule, les utilise, voire les consomme. Ces différentes possibilités d'évoquer un référent par sa forme, ses mouvements, ses effets (en particulier sa dangerosité), ses façons de le manier et les conséquences possibles de sa rencontre pour l'individu humain expliquent d'une part la multiplicité des adjectifs dans une même langue pour mieux le définir et surtout la diversité interlinguale pour le nommer, puisque l'économie phonétique (dont l'apocope est un témoin fréquent) contraint l'inventeur du mot à ne retenir qu'une à trois caractéristiques pour symboliser le référent. Devant le référent arbre une langue peut le désigner selon sa morphologie (ses branches, sa hauteur), sa réaction à l'action du vent, le bruit de ses branches ou de ses habitants (chant des oiseaux), sa dangerosité (risque de chute) ou sa protection contre le soleil (arbre à palabre africain, pin parasol...), son usage (fruits, lieu de jeux pour les enfants...).

 

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L'étymologie le vérifie comme par exemple pour cranberry. Bien que cran ne soit pas un mot anglais, il ne fait aucun doute que les anglophones décomposent ce terme en cran-berry. L’analyse étymologique de cran-berry nous apprend que le mot provient d'une forme germanique kranebeere où le premier élément désigne l’oiseau dont le nom est apparenté en anglais (qui croasse ou croaille en français), et qui est particulièrement friand de ces baies. Mais si à l'origine le mot se rapporte à l'oiseau, il est fort possible que le mot porte ce couple biphonémique cr parce que cette séquence signifiante renvoie au côté croquant de la baie quand l'homme y plante ses dents.

En français les mots crustacés, crabes, crevettes et écrevisses d'origine étymologique fort différente portent dans leur signifiant le couple cr qui nous informe qu'il faut les casser et parfois les vider (ev) pour les manger. Ce n'est plus le référent qui est désigné mais sa façon de le consommer.

 

Si l'on ne considère que la représentation physique du référent, l'information se structure grâce aux messages sensoriels, qui sont des stimuli, des signaux physiques (visuels, auditifs, olfactifs, tactiles, gustatifs), captés par les récepteurs sensoriels, tels les pigments de la rétine, qui transforment le message lumineux (qui n'est jamais que le reflet du référent, car la lumière absorbée par l'objet, elle, n'est pas réfléchie). L'importance de la lumière est mise en évidence par le sens inconscient de mots tels orée, horizon, aurore, soir, miroir, noir, horizon, forêt comme le démontrera leur décryptage ultérieur: or = lumière, oir = réflexion lumineuse).oree-bois-431506.jpg

Après la réception sensorielle, le message chimique est converti en un autre que l'on nomme l'influx nerveux, qui transmet le message dans les aires corticales sensorielles. Pour la vue, l'image est traitée, par des neurones, sensibles à la géométrie des lignes et à leur mouvement et l'image est recomposée (ce qui est désormais vérifié scientifiquement). Le message multisensoriel est ensuite traité, analysé dans ce qu'on appelle les aires sensorielles associatives, dans l'ordre de la perception qui le plus souvent est vue, audition, olfaction, tact et goût, et ce traitement est déjà transmis au système limbique, le cerveau affectif. Toutes ces opérations multimodales s'effectuent en quelques millièmes de secondes. Il a été démontré par Lionel Naccache à la Salpétrière à Paris, que pour un mot à connotation dangereuse se produit une réaction au niveau d'une structure du système limbique (l'amygdale cérébrale) après quelques millièmes de secondes avant même que le sujet ne se rende compte de la signification du mot présenté en subliminal, ce qui prouve que dans le matériel signifiant du mot écrit se trouvent des lettres ou des séquences de lettres qui sont associées à une émotion. Les premiers mots ou proto-mots ont certainement joué un rôle d'alarme pour prévenir des dangers et assurer la pérennité de l'espèce. C'est cette première étape qu'on peut qualifier de représentation: dans le domaine visuel, il s'agit d'un schème.

 

 A force de voir et revoir le référent arbre, se réalise un conditionnement des stimuli qu'il suscite et se forme un concept de l'arbre qui est habituellement perçu dans l'environnement habituel du sujet. Par définition première ce concept, qu'on assimile à tort au signifié saussurien, est la manière de se représenter une chose concrète ou abstraite, le résultat de ce travail, sa représentation.

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C'est une représentation objective stable à laquelle s'associe un support verbal. Cette représentation n'est pas l'image réaliste du référent, elle n'en est que la conception, maculée des distorsions sensorielles et des ressentis émotifs et culturels du sujet, mémorisés par ses rencontres antérieures avec le référent. C'est un trouble ophtalmique rétinien central, une rétinopathie maculaire qui explique la longueur des cous des personnages de Modigliani, comme une vision reflétée par un miroir déformant.

 

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Les dessins des enfants en maternelle ne sont pas d'une simplicité "puérile" dépréciative car lorsqu'ils dessinent, ils ont déjà une dextérité suffisante pour tracer des lignes et des courbes. Or si l'institutrice leur demande de dessiner un arbre, ils en dessinent le schème, le patron (le pattern diraient les américains) ou le modèle, une forme géométrique simplifiée, la forme globale, pas le détail des feuilles ou du tronc, car leurs capacités d'analyse corticosensorielle n'ont pas atteint le stade du signifié conscient, d'une analyse plus poussée dans le détail qui nécessite une prise de conscience élaborée dont on pourra se rendre compte dans l'évolution de leurs dessins. Cela démontre que le schème perceptif n'est pas uniforme mais évolue avec l'âge. Ces dessins "enfantins" sont pourtant plus "vrais" que ceux d'un adulte, car ils sont motivés et sous-tendus par leurs émotions, sans le filtre inhibiteur de la conscience et des règles apprises.

Dessins d'arbres d'enfants

arbre-enf.jpgarbre-catherin.jpg                                                8 ans                                                   10 ans

Symbole de l’homme, l'arbre évolue avec lui. L’arbre de l'enfant change d’aspect au fur et à mesure que l'enfant grandit. Les premiers arbres ressemblent à des sortes de «têtards», des sortes de bonshommes; plus tard, l’arbre de l'enfant prend racine. Vers 6 ans, l’arbre est un trait vertical surmonté d'une boule représentant l'arrondi du feuillage. Au-delà de 8 ans, les branches se différencient ainsi que le feuillage et apparaissent aussi les fruits. La position de l’arbre sur la feuille de papier est importante.

 

Un graphologue, Max Pulver, l’a même schématisé : le haut de la feuille de papier représente l’intellect, la spiritualité, le bas de la feuille, les instincts, l'inconscient, la gauche le passé, l’introversion, l’attachement à la Mère, la droite, l’extraversion, l’avenir, l’attachement au Père. Le tronc de l’arbre représente le «moi» stable de l’enfant, les branches l’évolution de l’enfant dans son environnement. Mais il faut beaucoup de finesse interprétative pour juger ainsi un dessin enfantin. Les accidents sur le tronc ou les branches symbolisent un traumatisme passé, d’autant plus récent qu’il est situé en hauteur sur le tronc.

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Cela ne démontre-t-il pas  de façon éclatante que le signifié enfantin est en lien étroit avec le cerveau affectif ? L’apprentissage du dessin comme du langage subordonne la pensée à ses moyens d’action qui sont sensoriels. L’analyse du monde peut passer par le canal sensoriel de la vue mais elle peut s'effectuer par le toucher, l’ouïe, l'odorat avec des préférences ou des priorités variables selon les sujets, leur sexe et leur culture. Le parlant pense comme il parle (comme il touche avec sa langue), comme il voit et entend ; le sourd pense comme il touche (avec ses mains) et voit ; l’aveugle pense comme il touche, entend et renifle comme le montrait "Parfum de femme" de Vittorio Gassman avec la belle Agostina Belli. Pour nombre d'animaux l'olfaction est le sens biologiquement privilégié.

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Un seul exemple entre le français et l'italien pour le mot qui désigne ce délicieux insecte qui agrémente nos nuits de son vrombissement discret mais insistant et nous gratifie de ses prélèvements sanguins: moustique en français et zanzare en italien. Le premier mot français, comme nous le verrons plus tard, définit cet insecte par sa piqure "iqu" ses sauts successifs "us" et son prélèvement "ot" de matière "m", une définition à la fois visuelle et tactile, alors que le second mot italien "zanzare" est une sorte d'onomatopée mimant le bruit du moustique précisant son côté menaçant "ar" (malaria) et ses allers-retours "z" insistants "an", une définition cette fois auditive, temporelle et  prédictive de sa menace de transmission de maladie.

 

La formation du schème relié à un référent donné reste néanmoins subjective: si le sujet a été mordu par un chien, la représentation de cet animal, dont il a désormais la phobie, ne sera pas la même que si ce dernier était son ami le plus proche (il sera même parfois incapable de le dessiner tant sa représentation l'effraie). Si, comme un anglais, votre entourage ne consomme jamais de grenouilles, votre représentation du mangeur de grenouilles français sera colorée d'un sentiment de dégoût répulsif! La cuisse de grenouille, bien qu'enrobée d'une excellente sauce persillée, n'aura pas la même représentation "émotive" pour un anglais et un français. Or le système limbique, centre cérébral de nos émotions joue un rôle capital dans la mémorisation et la motivation.

 

Considérons cette fois la variation environnementale de la représentation, du schème. N'est-il pas évident que le concept d’arbre, sa représentation visuelle mentale, puisse différer entre un Nordique et un Africain : le conifère ressemble-t-il au cocotier ? Non ! Le concept, la représentation d'une classe d'objets, se forment par l'image, voire le bruit ou l'émotion suscitée, habituels dans son environnement particulier. Au milieu de sa forêt froide et enneigée de conifères le Nordique ne conçoit pas comme signifié du référent arbre une image tropicale de palmier, ni celle d'un baobab, arbre à palabres d'un village africain! Dans chaque région il est probable que l'homme acquiert une représentation de l'arbre qui est spécifique des essences habituelles qui l'entourent comme l'exprimait, sans en tirer les conséquences logiques, Lacan quand il comprenait que le matériau littéral du signifiant arbre pour un français renvoyait à un référent caractérisé par sa force et sa majesté. Alors si l'homme doit nommer ce référent arbre par des sons qui le caractérisent ou le symbolisent, n'est-il pas normal qu'il choisisse certaines caractéristiques propres à son environnement, représentées par certains sons signifiants, qui, assemblés, formeront donc des mots différents, d'autant que dans l'énoncé d'une phrase il peut, par des qualificatifs, compléter sa description physique et symbolique de l'arbre en question.

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palmier                                                forêt                                                    conifère

 

Mais, direz-vous, les mots ont une histoire et le signifiant arbre français n'est pas né de la dernière pluie ! Il dérive étymologiquement du mot latin arbor, dont est issu le mot arboriculture. Si l'on compare les deux signifiants arbor/arbre, ils ont bien en commun leur première syllabe mais diffèrent pour la seconde "or" et "bre". La couverture forestière, en raison du développement de l'agriculture avec la déforestation qu'elle a engendrée, s'est fortement réduite depuis l'époque romaine et l'on peut imaginer que cette évolution diachronique de arbor en arbre n'est pas liée uniquement à une évolution phonétique, mais traduit le fait qu'arbre ne recouvre plus tout à fait le même signifié qu'arbor! Nous verrons ultérieurement que les séquences signifiantes littérales or et br renvoient à des concepts inconscients fort différents !

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Si l'on peut évoquer et comprendre la variabilité des signifiés pour un référent naturel courant, existant avant même l'apparition de l'homme sur cette terre, que penser des signifiés d'objets manufacturés, voire des concepts abstraits? Par exemple, pour les signifiants français, allemand et anglais rêve/Traum/dream les signifiés seraient les mêmes ! Bien sûr, tous les humains connaissent physiologiquement le rêve, mais les objets de leurs rêves et surtout la conception et le ressenti émotif inconscients qu'ils en ont ne peuvent qu'être différents ! Or, si les signifiants de langues différentes renvoient à des signifiés différents, n’est-il pas logique que les sons qui les composent soient eux-mêmes différents ? Si l’on suppose au contraire que les sons formant le signifiant ne sont pas immotivés et conventionnels, ils doivent représenter ou symboliser le référent. Il semble probable que pour chaque peuple un objet puisse revêtir des symboles différents. En fonction de son environnement, de son histoire et de sa culture, chaque peuple retient deux ou trois caractéristiques visuelles, auditives, tactiles, olfactives, gustatives, émotives  spécifiques, dont l'association symbolise le mieux le référent à une époque donnée. Le signifiant varie donc selon les peuples et l'organe des sens qui a été privilégié pour le désigner. Les mots qui désignent la neige sont nombreux pour un Inuit, alors qu’un seul suffit largement pour un Sénégalais qui n’en a jamais vu tomber un flocon !  Pour un français le mot neige, comme nous le verrons, renvoie inconsciemment à un passage toubillonnant (èg) d'un changement d'état (ig) de l'eau (n). A l'inverse les maoris ont une cinquantaine de termes pour parler de noix de coco et les touareg en tamahaq, autant pour les dromadaires ! L’environnement humain varie selon la géographie. Donc si les référents perçus par ses organes sensoriels ne sont pas identiques, il est logique que le cerveau humain ait des signifiés dissemblables reliés à des signifiants eux-même différents. La variabilité de ce concept visuel et plus largement sensoriel d'arbre ne représente qu'une des  multiples raisons de la variété des  mots des langues pour le désigner. Platon, par la voix de Cratyle, nous explique que les mots sont une peinture des choses, que ce sont des Symboles. Cette notion de Symbole n'est pas facile à définir, elle se rapporte à un objet sensible, fait ou élément naturel évoquant, dans un groupe humain donné, par une correspondance analogique, formelle, naturelle ou culturelle, quelque chose d'absent ou d'impossible à percevoir. Trois mots sont importants dans cette définition : il s'agit d'un objet sensible c'est à dire qui a trait à notre sensibilité. Il est évocateur dans un groupe humain donné, c'est à dire qu'il peut différer d'un peuple à l'autre; enfin le mot culture qui varie bien sûr d'un peuple à l'autre. Cela fait beaucoup de variables ! Or, si un mot est un symbole ou un ensemble de symboles, il présente alors toute la variabilité du symbole. La multitude des patois, langues régionales, témoigne de cette variation dans des groupes humains pourtant proches.

Pour mieux comprendre ce qui se cache derrière le mot symbole, nous consacrerons une page à la symbolique de l'arbre en France et dans le monde pour en démontrer l'immense richesse. Cette multitude de symboles pour un référent unique, perçu par tous les canaux sensoriels d'un humain, ressenti  subjectivement par le système limbique, cerveau des émotions, laisse entrevoir la possibilité d'une multitude de mots pour désigner ce référent selon l'environnement, le canal sensoriel choisi, selon l'émotion qu'il suscite et selon la culture du pays.

 

Avant d"aborder la complexité des mots, on peut examiner des structures plus simples a priori comme les onomatopées.

 

Les onomatopées, dont certaines sont proches de l'extraction naturelle du langage, posent un sérieux problème de taxinomie linguistique: bien qu'un certain nombre d'onomatopées soient admises dans les dictionnaires, en fonction des pays, un grand nombre d'entre elles restent contextuelles, épisodiques, ou tributaires d'un certain humour de connivence. La distance à la chose que suppose l'usage de l'onomatopée est déjà un fait de langage.

Etymologiquement en grec l'onomatopée est une création de mot. Elle est formée d'une suite de phonèmes destinée à imiter ou à suggérer par imitation phonétique un cri ou un bruit. Elle n'est pas aussi spontanée que l'interjection et peut varier d'une langue à l'autre. La science linguistique affirme que le signifié onomatopéique se confond avec le signifiant et qu'elle représenterait un cas où la dichotomie signifiant/signifié n'existerait pas. Ce serait le cas pour aïe de la douleur, mais cette conception littéraire fait fi de la sensation de douleur qui est le signifié biologique de aïe et plus précisément du couple ""!

Les études linguistiques ont renouvelé leur intérêt pour l'étude des onomatopées, notamment à cause de leur valeur phonologique : l'émission d'une onomatopée est déterminée par la configuration du système phonétique et de son utilisation en fonction des régions. Les onomatopées auraient été, avec le langage gestuel, une des premières manifestations des potentialités de communication linguistique de l'homme.

Au Japon, il existe un nombre incalculable d'onomatopées qui, comme en  anglais, ont aussi bien des fonctions  verbales  que nominales.

On peut distinguer des onomatopées imitatives comme celles qui miment les cris d'animaux et qui ont servi à les désigner (cocorico et coq, miaou et miauler voire matou, meuh et meugler, bêêê et bélier...), celles qui imitent les bruits de la nature, tel le craquement d'une branche morte "crac" ou le claquement voire la fermeture "clac", le plongeon dans l'eau "plouf", un moteur qui tourne "vroum-vroum", onomatopées qui ne représentent qu'une infime partie du lexique "mimétique" car de de nombreux mots ont une origine imitative phonétique comme le souligne le petit livre du bisontin Charles Nodier le "Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises" de 1808: murmurer, sussurer, chuchoter, zozoter, grincer, cliquetis, brouhaha, froufrou, aboyer, gazouiller, gronder, renifler, racler, péter, jaser, vrombir... comme l'écrit Charles Nodier, il faut donner de l'onomatopée une idée plus distincte et plus précise que celle qu'on puiserait dans les vagues définitions des rhéteurs. Pour faire passer une sensation dans l'esprit des autres on a dû représenter l'objet qui la produisait par son bruit ou sa figure. Les noms des choses, parlés, ont donc été l'imitation de leurs sons et les noms des choses écrites l'imitation de leurs formes. L'onomatopée est donc le type des langues prononcées et l'hiéroglyphie le type des langues écrites; les onomatopées du tintement de la cloche ont d'heureux équivalents dans le tinnitus latin, le tintinnire italien, le tingle anglais...

 

Dans ces onomatopées imitatives le référent est d'origine acoustique, mais il existe des onomatopées concernant d'autres sens. Ainsi, «bling bling», qui ne reproduit pas le son des chaînes en or des chanteurs de hip hop, ni des rappeurs (elles ne font pas de bruit), ni d'un président de la République en mal de rolex, mais exprime l'idée du clinquant, du brillant, de l'éblouissement, de l'image de ceux qui ont du blé, qui sont "blindés" comme disent les jeunes, des blondes de la pub, car la séquence littérale du signifiant bling qui nous éblouit, voire nous aveugle est une racine indo-européenne 'bl" ! Bluffant, non ? Bling bling est une sorte d'onomatopée "visuelle". D'autres, moins superficielles et plus vitales, ne sont pas de nature sensorielle, telle miam-miam dont les pages qui suivent vous révéleront les sèmes primitifs qui y sont enfouis, relevant de faim et de la chimie digestive alimentaire avec ses enzymes actifs sur les nutriments!

Sous le souffle de l’air marin des îles britanniques, les trembles tremblent «tree sous vent» ! Contemplons-les sur les toiles de Turner, où les «trees» sont couchés par la puissance et la permanence de la brise maritime qui fait trembler leurs feuilles. Le peuplier, dont les feuilles à minces pétioles tremblent au moindre vent, ne se nomme-t-il pas tremble en français ?. Faut-il "hêtre" arbre pour le saisir?

tree.pngturner.jpg                                       toile de Turner

 

Des univers différents pour chaque langue Le locuteur apprend, en même temps que sa langue, sa culture et le système de pensée qui s’y rattache. Moncef Chelli exprime le sentiment du locuteur bilingue de ne pas penser le monde, de ne pas ressentir de la même façon dans les deux langues. « Je n’avais pas l’impression que les deux voix fusaient dans l’espace, mais que chacune captait l’espace et tout le sensible environnant pour le modeler à sa manière ; littéralement je me sentais double parce que chacune de ces voix m’emportait dans un univers différent et ce qui séparait ces univers ce n’était pas des années lumières mais la discontinuité à l’état absolu : la mer était double, le sable et le ciel aussi […] ».

 

L’idée essentielle, proposée avec prudence par Sapir (car elle est difficilement vérifiable expérimentalement), est que toute langue, «représentation symbolique de la réalité sensible», contient une vision propre du monde, irréductible à celle d’une autre langue, qui organise et conditionne la pensée et, de ce fait, en est inséparable. Une expérience non verbalisée (tant intellectuelle que sensible) n’est pas une expérience ; elle ne peut être reconnue comme telle que par l’intermédiaire de la parole, qui «actualise la tendance à voir la réalité de façon symbolique», mais moule cette réalité dans une structure formelle impérative dont le sujet parlant n’a généralement pas conscience. 

 

C'est pourquoi la traduction est si difficile et que traduttore c'est toujours un peu trahitore, traduire c'est toujours trahir. La traduction a l'objectif d'interpréter le sens d'un texte dans une langue («langue source», ou «langue de départ»), et de produire un texte de sens et d'effet équivalents sur un lecteur ayant une langue et une culture différentes («langue cible» ou  langue d'arrivée»). On ne traduit pas des «choses», mais des idées ! D’une langue à une autre, rien n’est identique : les champs sémantiques ne se recouvrent pas, les arrière-plans culturels sont différents, etc. Il n’existe au mieux que des équivalences. La traduction ne réalise jamais un décalque. Elle ne peut pas donc être définie en termes d’identité, mais seulement en termes d’équivalence. Chaque traduction gère à sa manière ce décalage inévitable entre texte original et texte traduit, qui n’est pas un autre texte, mais qui n'est plus tout à fait le même texte que l’original. Les bons traducteurs savent que le sens du texte-source ne réside pas seulement dans les mots, mais dans leur combinaison et c'est avec une autre combinaison des mots du texte-cible qu'ils parviennent à s'approcher au plus près du sens. Mais jusqu'à présent la méconnaissance de l'existence d'un code linguistique signifiant précis ne permet pas d'atteindre l'équivalence, illusoire d'ailleurs car les locuteurs de chaque langue baignent dans des univers de représentations fort différentes ! Actuellement traduire est un mythe, on ne peut que réinterpréter.

 

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Date de dernière mise à jour : 11/10/2020

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Commentaires

  • betonmma

    1 betonmma Le 21/08/2012

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  • Maryse

    2 Maryse Le 24/03/2022

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  • Temoignage

    3 Temoignage Le 24/03/2022

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  • Dérique

    4 Dérique Le 24/03/2022

    Bonjour
    Je fais ce témoignage au féticheur Hové pour aider ceux qui doutent de sa puissance. Tout allait bien dans ma famille quand j'ai rencontré pour la première fois l'enseignante de ma fille ainė que ma femme a invité à l'anniversaire de notre fils. J'ai commencé a trompé ma femme avec cette enseignante. Elle a fini par découvrir cela avec des preuves et a quitté la maison avec les enfants sans Témoignages que je n'ai pas la possibilité d'entendre la voix de mes enfants. Elle voulait le divorce. J'avoue que j'ai été infidèle mais elle a toujours perdu l'amour de ma vie. C'était donc insupportable pour moi. J'ai expliqué la situation à un ami qui m'a donné les coordonnées du féticheur Hové. J'ai repris contact avec lui et planifié une visite. J'ai pris un vol la même semaine et je suis allé chez lui en Afrique dans son couvent Il m'a promis que pour les rituels qui d'ailleurs ont été faits devant moi ma femme me reviendrait en 72 heures avec mes enfants. J'ai payé tout ce qu'il a demande J'étais curieux de voir comment ma femme s'y prendrait pour revenir d'elle-mème malgré que j'étais fautif. Tenez-vous tranquille ! Après mon retour à Monaco, il n'a fallu que 48h et voila ma femme et mes enfants de retour a la maison. Je le recommande à tous Il a le potentiel requis pour ce type de travaux. Pour que ma femme rentre avec les enfants. J'étais ébloui par la force de frappe du maître marabout Hové.
    Contacts du maître Hové
    Whatsapp / Tel : +22899482279
    Mail : maitrehove@gmail.com

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